seule la poussiÈre ne retourne pas au nÉant, Pensées en liberté

Thierry FRESNE

Le quatrième opus de Thierry Fresne, est une pure et belle surprise.
  - Son recueil d’aphorismes, ces pensées qui autorisent et provoquent d’autres pensées et qui frayent un sentier vers de nouvelles perceptions et conceptions, renoue avec une pratique littéraire gourmande.

  - L’ouvrage de Thierry Fresne s’inscrit dans la production de cette figure de style, souvent décapante, qui a été l’objet de publication de « perles » issues des plus grands auteurs tels que Montaigne, La Bruyère, Vauvenargues, Paul Éluard, Friedrich Nietzsche, Emile Cioran, Oscar Wilde et tant d’autres.

  - Ce recueil regroupe plus de huit cents pensées libres illustrant parfaitement ce que sont les aphorismes tels que les définit Vladimir Jankélévitch* dans un entretien de 1980, rapporté dans le Cahier de l'Herne consacré au grand philosophe et musicologue français (n°141, page 40, colonne 1, publié le 08/02/2023).

     "Gracian** a fondé le genre aphoristique qui repose sur l'idée suivante : la réalité étant par essence décousue et irrationnelle, on ne peut mieux faire que de délimiter quelques îlots de clarté dans la confusion : l'aphorisme est une vérité insulaire, une vérité circonscrite. En fait, les Grecs appréciaient cette pudeur de l'aphorisme. Ce n'est pas par hasard que Platon se moque du rhéteur et de son beau discours suivi, interminable et creux  : il lui oppose Socrate, qui, d'une seule petite phrase, désarçonne son auditeur et fait apparaître la vérité, le temps d'un éclair, d'une réticence.

     Un éclair dans la nuit ; on peut en profiter pour s'orienter mais on n'a pas le temps d'entrer dans les détails, de calculer son itinéraire. Héraclite, qui est peut-être le véritable créateur de l'aphorisme, disait : "Le dieu dont l'oracle est à Delphes ne dit ni ne cache, il fait signe." La vérité est équivoque, contradictoire, elle se dément elle-même. On ne peut l'atteindre, très partiellement, fugitivement, qu'à demi-mot, grâce à une allusion, à une inflexion de la voix."

Ainsi, la vérité apparaît précaire et fuyante et l'image de l'aphorisme comme éclair dans la nuit, concorde avec la phrase de Henri Poincaré placée en épigraphe de Seule la poussière ne retourne pas au néant  : "La pensée n'est qu'un éclair au milieu d'une longue nuit. Mais c'est cet éclair qui est tout", Henri Poincaré,  La valeur de la science, Flammarion,1905 Collection "Bibliothèque de philosophie scientifique"

*Vladimir Jankélévitch : philosophe et musicologue français né le 31 août 1903 à Bourges et mort le 6 juin 1985 à Paris. « Philosophe engagé, il est de tous les combats de son siècle joignant philosophie et histoire vécue. La pensée morale de Vladimir Jankélévitch ramène à une vie vécue selon l’ordre du cœur puisque ce dernier, et lui seul, constitue la vraie structure d’acte de sa philosophie. Son combat est de faire reconnaître la prééminence absolue de la morale sur toute autre instance.[Source Wikipédia, Vladimir Jankélévitch]

**Baltasar Gracián : écrivain et essayiste jésuite de la première moitié du XVIIème siècle (le Siècle d'or espagnol). « L'œuvre de Baltasar Gracián peut se diviser en deux parties : dans la première, qui va du Héros (1637) à L'Homme de cour (1646), il s'attache à construire la figure de « L'Homme universel », sorte de héros mondain doué des vertus nécessaires à la réussite dans la société (au premier rang desquelles la vertu de prudence), dans une perspective qui n'est pas sans rappeler, au moins en apparence, le Prince de Machiavel. Dans la seconde partie de son œuvre, constituée par le Criticon, Gracián s'emploie à anéantir cette figure construite au fil des ouvrages antérieurs, et à condamner « sans appel [le] monument élevé par lui à la gloire du Héros. » [Source, Wikipédia, Baltasar Gracián]