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LE VAMPIRE RE'ACTIF, le blog culturel et littéraire de la maison d'édition Le Vampire Actif
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16 novembre 2009

Dave Eggers "Le Grand Quoi"

dave_eggersDave Eggers, Le Grand Quoi
Autobiographie de Valentino Achak Deng
Traduction de Samuel Todd,
Gallimard, Du monde entier, Août 2009
Prix Médicis : Roman étranger 2009


Dos du livre : « Valentino n’a pas huit ans lorsqu’il est contraint de fuir Marial Bai, son village natal, traqué par les cavaliers arabes, ces miliciens armés par Khartoum. Comme des dizaines de milliers d’autres gosses, le jeune Soudanais va parcourir à pied des centaines de kilomètres pour échapper au sort des enfants soldats et des esclaves. Valentino passera ensuite plus de dix ans dans des camps de réfugiés en Ethiopie et au Kenya, avant d’obtenir un visa pour l’Amérique.
Ironie du sort, son départ était prévu le 11 septembre 2001. Quelques jours plus tard, il s’envolera enfin pour Atlanta. Dans un nouvelle jungle, urbaine cette fois ? Valentino l’Africain découvre une face inattendue du racisme. Cette nouvelle existence pourrait bien se révéler aussi périlleuse que la survie dans les contrées ravagées par la guerre. A mi-chemin entre le roman picaresque et le récit d’apprentissage, ce livre est avant tout le fruit d’un échange. Dave  Eggers  l’Américain a passé des centaines d’heures à écouter Valentino l’Africain se raconter. Au service d’une tradition orale, la plume impertinente de Dave Eggers fait mouche et insuffle à ce récit une dimension épique, qui rappelle celle de Marc Twain. »  Samuel Todd

"Le Grand quoi", est la traduction française du titre américain « What is the what ? ».

« Qu’est-ce que le Quoi ? », renvoie, à la dernière des 600 pages de ce livre, à l’interrogation essentielle du « sens » de tout cela, de cette folie, de cette barbarie vécue, de ce désastre annoncé, à la question de l’existence d’une chose essentielle qui nous aurait été cachée et qui permettrait peut-être de supporter, de comprendre et de survivre.

L’histoire du jeune Valentino Achak Deng est un récit autobiographique romancé par le collecteur de la parole du « héros » qu’est Dave Eggers qui a enregistré durant des centaines d’heures le témoignage de ce jeune homme rescapé de l’enfer.

Le récit est un aller-retour permanent entre l’aventure dramatique que vit Valentino à Atlanta, qui, blessé et ligoté, assiste au cambriolage de son appartement et se trouve même gardé, des heures durant, par un jeune adolescent, Michael, totalement indifférent à ce qui se passe, et le récit des années de terreurs qu’il a vécues au Soudan, qui raconté apparemment sans émotion, ni pathos, ni colère, lui font passer le temps.

Il en sera de même quand, une fois libéré de sa mauvaise posture par son ami Achor, rescapé lui aussi de cette terrible guerre civile, il devra patienter des heures aux urgences dans la salle d’attente de l’hôpital local pour au final s’en aller pratiquement comme il était venu.

C’est ainsi que nous suivrons Valentino sur les pistes et les sentiers de son pays, fuyant devant les miliciens murahaleen - mot « qui signifie "voyageur" dans leur langue » et qui qualifie les nomades arabes armés par le régime islamiste de Khartoum et qui, en razzias sur la région de Marial Bay, en massacrent les habitants, en détruisent les villages,  pour en confisquer les terres à leur profit  et permettre l’exploitation du pétrole, dont regorge le sous-sol, au profit des grandes compagnies pétrolières.

Valentino fuira, échappant aux massacres,  à l’appétit des bêtes sauvages et de certains « hommes » qui veulent en faire un esclave ou un  enfant soldat, subissant les bombardements ciblés de l’aviation soudanaise, évitant les mines et les mitrailleuses, se nourrissant tant bien que mal, jeûnant de longs jours, marchant jusqu’à l’épuisement, sauvant parfois un plus pitoyable que lui, sauvé à son tour par une petite Marie, aussi têtue que malheureuse, avant d’échouer dans des camps de réfugiés, à Pinyudo en Ethiopie ou à Golkur au Kénya.

Valentino nous raconte avec beaucoup de franchise, de précision et d’humour, les tentatives de survie et de réorganisation d’un semblant de société humaine… Il y rencontrera nombre de personnes qui marqueront son adolescence, jeunes ou adultes, tous blessés par la vie, parmi lesquelles Tabhita, son premier amour qu’il retrouvera, pour la perdre tragiquement aux Etats-Unis… Son aventure se poursuit, marquée à jamais par le passé.

« Quoi que je fasse, quels que soient les chemins que j’emprunterai, je raconterai ces histoires. J’ai parlé à tous ceux que j’ai croisés de ces jours difficiles, à tous ceux qui sont entrés dans le club (le narrateur est agent d’accueil dans un club de gymnastique et de fitness) pendant les heures pénibles du matin ; faire autrement aurait été inhumain. Je parle à ces gens et je vous parle parce que je ne peux pas m’en empêcher. Cela me donne de la force de savoir que vous êtes là, une force incroyable. Je veux investir vos yeux, vos oreilles, l’espace qui nous sépare. N’est-ce pas une bénédiction de nous avoir les uns les autres ? Je suis vivant, vous aussi, et nous avons un devoir de parole. Je l’utiliserai aujourd’hui, demain et tous les jours jusqu’à ce que Dieu me rappelle à lui. Je raconterai ces histoires à des gens qui écouteront et à ceux qui ne veulent pas les entendre, aux gens qui ne me le demanderont et à ceux qui me fuiront. Et tout le temps, je saurai que vous êtes là. Comment pourrais-je prétendre que vous n’existez pas ? Impossible. Ce serait comme si vous affirmiez que je n’existe pas. »

Le Grand Quoi est  tout simplement un livre exceptionnel par le sujet, le témoignage, et les paradoxes qui font la vie, si sensiblement exprimés, la détresse et l’humanité, la simplicité et l’absurde, la violence et la tendresse, le drame et l’humour, le désespoir et l’espoir,.... Au cœur de cette rentrée littéraire quelque peu mièvre où l’on porte au pinacle des ouvrages plus que moyens, pour ne pas dire médiocres,- à croire que les jurys sont bluffés par les paillettes, le strass et le "people" -,  il est heureux que le Prix Médicis ait su distinguer ce roman (prix du roman étranger 2009).

 

                                                                                                                                           Desmodus 1er

Commentaires
S
on imagine pas en lisant eggers qu'un simple t-shirt puisses représenter une véritable fortune, l'auteur en matière d'action met tout le monde par terre.
D
Oui, bien sûr, Irma a raison. Mes propos étaient lapidaires, réducteurs et donc sots. Il y a eu de bons lauréats. Les deux cités en font partie. Par contre le reste... <br /> Quant à notre nain sautillant(puisque c'est malheureusement le nôtre!) et son niais de Raoult ils montrent peu à peu leurs personnalités... terrifiantes. Il nous faut replonger dans les proclamations brunes et grises et considérer, toute proportion gardée, les inquiétantes parentées... Soyons vigilants! Merci à Sylvaine.
S
Je n'ai fait qu'entendre les rebondissements de la presse et l'attitude coercitive de la monarchie. Stoker disait : ""My revenge has just begun! I spread it over centuries and time is on my side."<br /> S.Todd traducteur ? Bravo. Avec ces lectures je vais avoir ma dose quotidienne de sang. Suis aussi assez contente que N'Diaye se soit réfugiée à Berlin (je crois) et n'est-ce pas monstrueux que Fredo soit rester la bouche close ! Suis fière que l'Ogre ait eu aussi le Goncourt. Je sens que certaines "bat" géantes peuvent encore s'exprimer.
I
Mon cher comparse et ami,<br /> j'émettrai juste une réserve sur la dernière phrase de ton article. On peut effectivement s'interroger parfois sur les "récompenses" attribuées à certains textes en ces temps de rentrée littéraire.<br /> Il n'empêche que cette année, on peut, il me semble, se réjouir d'avoir vu des textes comme "Trois femmes puissantes" de Marie N'Diaye recevoir le Goncourt et "Mémoire d'un fou d'Emma" d'Alain Ferry, recevoir le Médicis dans la catégorie essai. Deux magistrales pépites. <br /> Avec toute mon amitié,<br /> Irma Vep
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